Analyse du modèle de la persuasion de l’École de Yale dans la publicité
Par
Étienne Lalancette
Introduction
L’école de
Yale a basé son modèle de la communication sur différentes composantes. Chacune
de ces composantes modifie le sens de la communication et est nécessaire à son
bon fonctionnement. La composante message
est l’élément primordial de la communication, puisqu’il a le pouvoir d’apporter
un changement aux comportements d’un individu. Dans cette analyse, il sera
question de trois composantes du message (Paquette; Recueil de notes) : la
théorie de l’utilisation de la peur dans le message, de l’influence que possède
la répétition d’un message, ainsi que l’influence de l’identification à la
source émettrice du message lors de changement de comportement.
Utilisation de la peur de
Witte
Le premier
processus analysé du message est l’utilisation de la peur. Celle-ci a un grand
impact lorsque vient le temps de changer des comportements. Dans le modèle de
l’utilisation de la peur (annexe 1.5),
il est question de deux modèles et de deux théories – formant le modèle
raisonné de l’utilisation de la peur. Les deux modèles sont le modèle des
réponses parallèles de Witte et le modèle de la réduction des tensions
motivationnelles. Les deux théories sont la théorie de la motivation à la
protection et la théorie du comportement planifié. Ces théories forment
l’ensemble du modèle de l’utilisation de la peur.
Le modèle
des réponses parallèles de Levanthal (annexe
1.2) est un modèle basé sur l’aspect cognitif et le traitement de
l’information, chez l’individu. Il met de l’avant la quantité d’information que
le cerveau doit analyser. Les informations provenant de la source de la menace,
de l’environnement, de l’individu en personne (ses capacités et sa condition
physique) sont classées en ordre d’importance (priorité) et interprétées selon
leur degré d’intensité. La mémoire à long terme est utilisée pour connoter la
menace, selon les expériences antérieures et souvenirs de situations
similaires. Lors du traitement de ces informations diverses, le cerveau utilise
deux processus de défense dont le but est d’aider l’organisme à conserver un
certain équilibre (entre les tensions vécues). Le système de contrôle de la
peur et le système de contrôle du danger travaillent parallèlement pour
diminuer les tensions. Le contrôle du danger juge du degré d’intensité de la
menace ressenti chez l’individu. Le contrôle de la peur répond par l’activation
physiologique (peur, stress, adrénaline, sudation, vitesse de réflexion). Il
active le système de détente ou de protection (puis les mécanismes d’autodéfense,
si nécessaire) et installe parfois de mauvais comportements, dont le but est de
diminuer le niveau de stress chez l’individu. Dans ces mauvaises habitudes, on
retrouve fumer la cigarette et manger excessivement. Ces deux systèmes évaluent
le degré de danger d’une situation, et adapte le corps humain aux demandes de
l’environnement, pour résoudre le problème rencontré.
Le modèle
de la réduction de la tension motivationnelle de Clark Hull (drive reduction theory) (annexe 1.3) fait aussi partie du modèle
de l’utilisation de la peur. Selon ce modèle, le point important lors d’un
changement d’attitude, repose sur la diminution de l’intensité ressentie, et le
réconfort que cela procure à l’individu. Le modèle propose qu’une menace
d’intensité moyenne à élever soit suffisante pour capter l’attention de
l’individu, alors qu’une tension extrême le pousserait à l’autoprotection. Une
intensité amenant jusqu’à un certain degré de peur engendre de l’anxiété.
Celle-ci peut être diminuée par l’apparition d’arguments et de recommandations.
Ces recommandations surviennent après que le niveau d’anxiété soit atteint.
Elles sont construites d’arguments crédibles en faveur d’un changement de
comportement (vers le comportement désiré ex. arrêter de fumer). Selon
Bromberg, « Mewborn et Roger ont montré que ce n'était pas
la réduction du drive [tension
initiale] qui agissait sur l'intention de se conformer au
nom du message, mais au contraire son déclenchement.. » (Bromberg; 2005, p.161) Les
arguments sont perçus comme acceptables, si la confiance de l’individu est stimulée.
La conclusion est centrée sur une valorisation des capacités de l’individu face
aux changements.
La théorie
de la motivation à la protection de Rogers se construit sur ces deux modèles (annexe 1.1). Il utilise le modèle
cognitif de traitement de l’information considéré comme l’évaluation de la
menace, ainsi que le modèle de réduction des tensions (l’action « faire
face à »). Par contre, le modèle laisse une grande place aux choix
personnels de l’individu. Les actions produites dépendent du niveau d’implication
de l’individu et de l’intensité de la menace. S’il considère qu’il ne possède
pas ou peu de chance d’être vulnérable, le message n’aura pas d’influence. Il
doit être convaincu que les changements sont véritablement pour son bien et il
doit posséder suffisamment d’estime de soi pour se dire capable d’exécuter la
demande (du changement de comportement). Après avoir traité l’information
sortant des modèles précédents, le cerveau est en mesure de choisir la
réaction/réponse idéale, face au problème.
La théorie
du comportement planifié (annexe 1.4)
est une amélioration du modèle de l’action raisonné de Ajzen et Janis. Ce
modèle suggère qu’avant toute action, l’individu évalue son intention à
effectuer un changement. Pour ce faire, il se questionne sur ses croyances
personnelles et sur les conséquences potentielles d’un changement. L’individu
évalue la réaction des proches (normes sociales), sa capacité à réussir (normes
subjectives) et son attitude face au comportement demandé. L’individu évalue
également le contrôle qu’il subit ou possède face au plan d’action. Le temps,
l’environnement, l’argent, les connaissances dont il dispose sont des facteurs
du contrôle, donc de l’intention de comportement. Ces facteurs peuvent empêcher
une action, malgré un haut degré de volonté d’agir de l’individu. « C’est la combinaison du contrôle perçu du
comportement (auto-efficacité) et l’intention comportementale qui permet de
prédire la réussite du comportement. » (Bromberg; 2006, p.166) L’exemple suivant est une publicité de Nike basée sur la capacité personnelle à
réussir. Url :
La
publicité suivante fait référence à l’utilisation de la peur de Witte. Elle stimule
la curiosité et surprend le récepteur. Celle-ci fut tournée avec de bons moyens
financiers. Elle est crédible, sans musique, et avec un slogan
accrocheur : « Meth. Not even once. ». La recommandation est
créée par la projection dans le futur et le slogan. Par le champ expérientiel,
l’individu analyse le message social selon la sévérité des conséquences, le
pourcentage d’incidence, le niveau d’intensité de la menace, l’analyse des
solutions préconisées et la mise en action, ou refus du changement. Si la
tension est trop forte, l’individu ne verra pas les solutions proposées.
La
publicité est produite par le groupe social Montana
Meth Project Fondation contre la méthamphétamine. Url : http://www.youtube.com/watch?v=6YaO4PMBrJI
La répétition du message
Pour
qu’une publicité sociale ait de l’influence sur le comportement des individus,
elle doit être répétée à plusieurs reprises. La répétition du message peut se
faire entre 7 et 15 fois pour que la rétention soit effective. Ces répétitions
aident à l’acceptation du message. « La répétition du message, un débit de parole moins
rapide ou le recours à un support écrit ont pour effet de faciliter
l’évaluation minutieuse du contenu. La communication peut aussi inclure des
questions rhétoriques qui encouragent la réflexion. » (Leyens; 1997,
p.121) Aussi, plus la nouvelle est exceptionnelle, moins le nombre de
répétitions est nécessaire. Une nouvelle plus ordinaire crée une tension moins
forte, et peut passer plus facilement inaperçue. Aussi, un message dont
l’information est complexe, voire technique, demande une plus grande
concentration, et un taux de répétition plus élevé. Par contre, plus les
répétitions sont nombreuses, plus le message sera difficile à accepter. Une
publicité simple avec une musique « jingle » répétitive peut devenir
assommante (ex. la publicité du Clan Panneton). Ce retour se nomme
« l’effet boomerang ». L’usage d’une musique facilite la
mémorisation, par l’association musique/publicité. La rétention d’un message par
association stocke l’information en mémoire à long terme. La rétention du
message ne se base pas uniquement sur la répétition. La qualité du message et
la créativité utilisée sont des facteurs très influents. Selon Jacques de Guise
(Paquette; 2008, p.156), la répétition du message « rend l’individu plus familier
avec le message; elle lui donne également plus de temps pour réfléchir à
certains aspects. » L’exemple suivant fut diffusé à la radio et à la
télévision souvent, jusqu’à rétention.
Exemple: « h Le clan Panneton pour déménager,
faut signaler le 739-0707, le 739-0707! » Annexe
2.3
Identification de la source
La source
émettant le message possède une influence sur la perception que l’auditoire
aura du message. Une source non crédible diminuera l’influence du message. Le
message pourrait être perçu comme frauduleux. Une source experte exprime un
sentiment de confiance, d’assurance et d’authenticité à l’auditoire.
L’information du message est traitée de la même manière qu’une matière scolaire,
donc un traitement cognitif. L’image d’un expert sous-entend la
communication : « Je vais vous apprendre quelque chose ». Le cerveau
analyse l’information sur l’aspect plus cognitif, diminuant les tensions
émotionnelles. L’information est traitée comme difficilement contestable. L’information
émanant d’une source plus attrayante est traitée comme une discussion moins
formelle, et donc d’un degré moins important. Elle fait usage des sens et des
émotions. L’expert diffuse une image de force et d’assurance. La source
attrayante diffuse une recommandation dont l’attirance sexuelle facilite
l’acceptation du message. Elle stimule aussi le désir d’être acceptée chez
l’individu, de chercher l’approbation des paires. La source attrayante ne
stimule pas nécessairement l’image d’autorité nécessaire pour générer un changement
de comportement.
Selon Hogg
& Terry, « an attractive
communicator (in contrast of an expert) is effective regardless of the strenght
of the message (Norman;1976) and the timing of source identification (Mill
& Harvey, 1972). […] An attractive source is at a disadvantage
when the issue involves technical matters as opposed to social opinion
(Madduc & Rogers, 1980; Pallak et al., 1983). » (Hogg; 2000, p.215)
L’exemple
de l’identification de la source est basé sur l’utilisation de la peur, mais
aussi avec l’identification de la source du message. Il est question d’une
publicité contre la vitesse au volant de la SAAQ où on y voit un policier
marcher sur le lieu d’un accident s’adressant à la caméra. Cette publicité
utilise bien les deux aspects de l’identification de la source, le policier
représente un symbole autoritaire majeur dans la vie quotidienne, un symbole
avec une forte tension émotive. Il représente symbole de l’expert par l’info
statistique qu’il communique.
Contre-exemple
Stratégie
fautive : mauvais usage de la peur.
La
publicité suivante est une publicité sociale par « Office of National Drug
Control Policy ». Leur slogan est « Partnership for a Drug-Free
America ». Elle est une mauvaise publicité, car elle possède une musique
joyeuse inappropriée. Si une musique peut réussir à acheter la loyauté d’un
client pour une marque, celle-ci n’aide pas à s’associer à la publicité et à l’intention
de comportement. Les paroles sont ironiques « Hoho busy like a bee, where do I get all this energy, hoho
meth! ». L’hyperactivité est un effet ressenti et l’un des principaux
arguments en faveur de la consommation. Elle n’est pas crédible, car elle ne
fait pas usage de la peur. À vrai dire, elle ne génère qu’une tension de
curiosité. Elle devrait faire usage d’un degré très élevé de violence (ou
tension) pour empêcher un adolescent de consommer de la drogue. La publicité
est pauvre en information, elle ressemble à une publicité de savon. De cette
manière, elle sous-entend que la drogue est faite de produits chimiques
ménagés. Elle semble avoir été tournée avec peu de moyens financiers. Aucune
information directement énoncée; la publicité alimente un cliché discriminant
d’une toxicomane et la toxicomanie. Elle dépeint une scène qui n’a peu de sens,
considérant que les principaux utilisateurs sont des adolescents, et qu’ils ne
consomment pas pour faire du ménage, mais pour s’amuser ou oublier leurs
problèmes. La méthamphétamine ne produit pas chez les consommateurs un trouble
obsessionnel compulsif du ménage. Mais une hyper activité liée à l’amphétamine
présente. La méthamphétamine pour ça part appartient à la famille des
amphétamines, est plus précisément un dérivé de l’ecstasy et augmente le niveau
de sérotonine dans le cerveau, influençant l’humeur vers l’euphorie.
Publicité
de l’ONDCP contre la méthamphétamine
Elle
devrait avoir une musique de danger, de suspense, ou aucune musique, comme dans
l’exemple de l’utilisation de la peur. Elle devrait avoir des textes
informatifs ou statistiques écrits à l’écran, et aussi montrer de meilleurs
arguments contre la consommation de méthamphétamine.
Liste de références
BROMBERG,
Marcel & Alain Trognon. 2006. Psychologie sociale, Communication et influence – Partie C. P. 152 à 172. Consulté en
ligne le 26 mars 2011. Google Document. Url :http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:cJ12CNDkP8sJ:olivier.issaurat.free.fr/psycho/comm_influence/Communication+et+influence+partie+C.doc+mod%25C3%25A8le+des+r%25C3%25A9ponses+parall%25C3%25A8les&hl=fr&gl=ca.
HOGG, Michaël A. & Deborah J. TERRY. 2000.
Attitides, behavior, and social
context : The role of norms and groupe membership. Psychology Press. 360p.
Consulté le 3 avril 2011. Google Document. Url :http://books.google.ca/books?id=iEokpHpPkucC&pg=PA215&lpg=PA215&dq=Mill+et+Harvey
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LEYENS, Jacques-Philippe et Vincent
Yzerbyt. 1997. Psychologie sociale.
Édition Mardaga. 369p. Google Document. Url : http://books.google.ca/books?id=Kh8XbzGsPJYC&pg=PA121&dq=r%C
3%A9p%C3%A9tition+du+message&hl=fr&ei=ssagTd7AKM-itgfu7ImQAw&sa=X&oi=book_result
&ct=result&resnum=8&ved=0CE8Q6AEwBw#v=onepage&q=r%C3%A9p%C3%A9tition%20du%20message&f=false
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PAQUETTE,
Guy. 2010. Recueil de notes de
cours : Communication et changement d’attitude. Presse de l’université
Laval. 155 p.
Annexe :
Cyberthèse – Publication et diffusion en ligne de thèse.
Université Lumière de Lyon. Attitude et
comportement :
symétrie et asymétrie. Consultation en ligne (30 mars 2010).
Url : http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2010.noumbissie_c&part=230861.
Annexe
1.1
Schéma de la théorie de la motivation à la protection de Rogers
Source :
É. Lalancette
Annexe
1.2 Schéma du modèle des
réponses parallèles de Levanthal
Source :
É. Lalancette
Annexe
1.3
Schéma du modèle de la réduction de la tension motivationnelle (Drive reduction Th.) de
Clarck Hull
Source :
É. Lalancette
Annexe
1.4 Schéma de la théorie du
comportement planifié de Ajzen
Source : Cyberthèse – Publication et diffusion en
ligne de thèse. Université Lumière de Lyon. Consultation en ligne (30 mars
2010) Url : http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?
id=lyon2.2010.noumbissie_c&part=230861
id=lyon2.2010.noumbissie_c&part=230861
Annexe
1.5 Modèle de l’utilisation
de la peur de Witte
Source :
É. Lalancette
Annexe
Publicités
vidéo
2.1 Exemple publicitaire :
utilisation de la peur
(Contrôle du danger)
Publicité
contre le cristal meth du groupe
social Montana Meth Project Fondation.
Youtube, url : http://www.youtube.com/watch?v=6YaO4PMBrJI. Consulté le 3 avril 2011.
2.2 Exemple publicitaire :
utilisation de la peur
(Auto-efficacité)
Publicité
de la compagnie Nike « Just Do It ».
Youtube, url : http://www.youtube.com/watch?v=0wIRTbY5HNM.Consulté le 3 avril 2011.
2.3 Publicité répétition du
message
Publicité
de l’entreprise de déménagement Le Clan Panneton. Youtube, url : http://www.youtube.com/watch?v=BVMHvXZN8h8. Consulté le 1er avril 2011.
2.4 Publicité identification
à la source
Publicité
de la Société de l’Assurance Automobile du Québec. Youtube, url : http://www.youtube.com/watch?v=pc5CyhplN9o. Consulté le 1er avril 2011.
2.5 Publicité
contre-exemple. Mauvais usage de la peur.
Publicité de l’Office of National Drug Control Policy of
U.S.A. contre la méthamphétamine. Youtube, url : http://www.youtube.com/watch?v=xOjx6TvMMi8. Consulté le 1er avril 2011.
Merci Infiniment ! Ce texte m'a été très utile !
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